Danser sa colère
Décembre 2021Ce que la danse m'a appris sur la colère
La colère c’est taboo chez vous? On ne veut pas la voir – On préférerait qu’elle n’existe pas – Si seulement, on pouvait s’en débarrasser?
Mais non. Comme toutes les émotions, la colère est source d’apprentissage et de développement. Contenir sa colère consomme beaucoup d’énergie, c’est fatiguant et c’est du gaspillage. En plus, en la gardant à l’intérieur, je prends le risque qu’elle se retourne contre moi. L’expression de la colère nourrit ma capacité à prendre ma place avec intégrité. Enfin, vous vous en doutez, la Movement Medicine peut vous aider à exprimer votre colère et travailler avec pour en faire une alliée. Alors qu’attendons-nous pour exprimer notre colère dans la danse?
La colère interdite
Il arrive tellement souvent dans notre éducation que la colère soit interdite. Au lieu de nous dire « oui tu es en colère, tu as raison. Ce n’est pas la peine de tout casser, de crier et d’insulter. Il y a pleins d’autres manières d’exprimer sa colère. » On nous dit souvent: « tu es méchante, ce n’est pas bien. » ou bien « tu n’es pas beau, quand tu es comme ça». Alors on croit que se sentir en colère est un problème. Et on cache, on retient, on garde au chaud, à l’intérieur. On essaie de faire comme si la colère n’existait pas.
De mon côté, je croyais que c’était mauvais en soi. La colère, c’était le mal. Du coup, je me l’interdisais et ainsi je gardais intacte l’image de la petite-fille sage, de la jeune-fille polie, de la jeune femme douce et de la femme parfaite.
Retenir coute-que-coute
Je ne voulais surtout pas être une folle furieuse ou faible. Ignorée, refusée, ma colère débordait. De temps en temps, par des cris et le plus souvent par des larmes. Quand je n’étais capable ni de la retenir ni de l’exprimer, je fondais en larmes d’impuissance. Elle ressortait aussi de manière inconsciente dans des attitudes d’agressivité passive. Le sourire forcé en face et la grimace derrière, les insultes quand on raccroche le téléphone, les jurons protégés par l’habitacle de la voiture,…
Je l’ai tellement niée, que j’en suis arrivée au point de ne plus savoir la reconnaitre, de ne plus la sentir en moi. Quand ma thérapeute me demandait ce que je ressentais suite à l’explication d’une situation qui aurait dû la générer. Je me sentais vide à l’intérieur. Je disais « je ne ressens rien ».
Les larmes d’impuissance
Je crois que le summum a été avec une ostéopathe. Par rapport à notre conversation, je savais qu’elle attendait que je réponde que je ressentais de la colère. Mais en moi je sentais toujours ce vide de sensation. Je n’allais pas lui donner la bonne réponse comme à l’école alors que ce je ne sentais pas cela en moi… Déni, négation de moi.
Pourtant, la colère nous signale que ce qui se passe n’est pas en accord avec nos valeurs. Il est important de la sentir et même de l’écouter. Quand la blessure était trop franche ou que la coupe était trop pleine. Je m’écroulais, je fondais en larmes d’impuissance. Ce qui déclenchait de la colère contre moi-même. Au lieu d’apprendre à poser mes limites, je m’en voulais pour mes propres limites. Car la colère non exprimée et gardée à l’intérieur finit pas se retourner contre soi.
En colère contre moi
C’est une des premières choses que j’ai découverte sur la colère grâce à la danse. Pour danser ma colère, je passais toujours une musique d’Asa dont le titre est Dead Again. « So it was, YOU. It was really YOU. YOU picked up the knife. And YOU cut me in two. You stab me in the back. And then you twisted it in. You left me for dead again». Je traduis « alors c’était TOI. C’était vraiment TOI. TU as pris le couteau. Et TU m’as coupé en deux. Poignardée dans le dos. And Tu as tourné vers l’intérieur. Tu m’as laissée pour morte encore». Je précise ici pour les plus mélodramatiques que cela n’a rien à voir avec mon vécu personnel.
Pour un début sur la colère, c’était parfait. Un peu de violence. La possibilité de retourner sa colère contre l’autre. Je dansais. Je criais ma colère contre tous ceux qui m’avaient énervés toutes les semaines ou presque. Histoire de décharger. Le doigt bien pointé vers un autre invisible mais bien présent pour moi. Jusqu’au jour où la danse l’a emporté. Le corps a pris le dessus sur le mental et dans un moment de laisser-aller, le doigt s’est retourné et pointé vers moi. Alors j’ai découvert que celle à qui j’en voulais tant c’était moi. Je m’en voulais et cela faisait de moi mon premier ennemi. Je me jugeais insuffisante en permanence.
Lose-lose, la colère qui nourrit l’auto-critique
Je partage ici car j’ai découvert il y a peu que je n’étais pas la seule à faire ça. Mon esprit a tendance à créer des schémas dans lesquels je suis toujours perdante. Je les appelle « Lose-lose ». Quelque soit la décision que je prenne, je m’auto-critique. Un petit exemple du quotidien: dans un groupe, si je dois prendre la parole. En général, c’est pas évident alors j’attends un peu, j’écoute les autres. Et puis, il ne reste plus que moi alors il faut y aller et là la petite voix intérieure me souffle « forcément tu fais ta star, tu attends pour être la dernière » et le jour où je me suis poussée pour me jeter à l’eau et parler en premier elle m’a dit « forcément, il faut toujours que tu fasses ton intéressante ». Donc selon mon auto-critique, j’avais toujours tout faux. Hey, « fiche-moi la paix! » comme dirait un célèbre enseignant de méditation.
Sortir du cercle vicieux avec la Movement Medicine
Comme je le disais au début, la plupart du temps je ne sens pas ma colère alors j’ai appris à la reconnaitre autrement. Notamment, la Movement Medicine m’a procuré deux moyens: l’effet miroir et le développement de la conscience corporelle.
L’effet miroir dit que ce que je perçois du monde extérieur est le reflet de mon état intérieur. C’est-à-dire que quand je vois la colère partout autour de moi, pas nécessairement envers-moi. Par exemple, le même jour, un gars qui s’énervent contre une caissière, mes enfants qui se prennent la tête, une femme qui m’insulte au volant. Quand j’ai l’impression que tout le monde est en colère aujourd’hui. Maintenant, je me demande si cette apparente colère extérieure pourrait aussi se trouver à l’intérieur.
L’autre c’est la conscience du corps. Comme je danse régulièrement et que ma danse consiste avant toute chose à ressentir mon corps, je sens quand il y a un changement. Et pour moi, la tension dans la mâchoire, en particulier au réveil. C’est un signe de colère qui monte. Si je n’y prête pas attention, elle descend le long de la nuque et provoque une douleur de contraction dans l’épaule (souvent à gauche). Elle peut même descendre jusqu’au bas du dos me causer des lombalgies.
Objectif éradiquer la colère?
Heu, le seul moment où un être humain ne ressent pas d’émotion, c’est quand il est mort, non? La colère est une émotion du latin e-motion, énergie en mouvement. La colère est la source d’une formidable énergie, une force qui nous permet de nous dépasser et de gagner en indépendance. Comme on le voit chez les adolescents. Alors, il ne s’agit pas de d’éradiquer la colère mais de l’exprimer différemment.
Par moment, il est beaucoup plus sain et sécurisant de la garder à l’intérieur un peu. Ce n’est possible que si je la sens monter. C’est beaucoup plus facile si je sais qu’elle est là et que je suis ok avec ça. Et bien sûr, si j’ai un moment et un lieu pour la décharger.
Ecouter sa colère
Ma colère est particulièrement active en ce moment. Pour être honnête, elle l’était déjà certainement avant mais je ne le savais pas. Je ne la sentais pas. Maintenant, je la sens monter et je l’accepte. J’apprends à me dire « Oui tu es en colère et tu as raison. Cette colère est légitime. A cause de ton histoire, tu ne peux pas accepter cela. Cela va trop loin. Ce n’est pas juste pour toi ».
Le simple fait de reconnaitre pour soi-même « je suis en colère et c’est ok» crée un espace, un sas de respiration entre moi et l’objet de ma colère.
Si j’ai en plus la possibilité de dire : « Ce que tu viens de faire (ou dire) me met vraiment en colère ». Je me sens droite et en accord avec moi-même.
Et, alors si en plus, je me sens entendue par la personne en face de moi. Elle peut m’entendre sans être d’accord. Simplement un signe que ce que j’exprime est reçu. Alors les tensions s’évaporent.
Danser sa colère
Dans la danse, je peux donner une forme à ma colère. Certains jours, elle jette mes pieds et mes mains dans tous les sens pour dire donnez moi de l’espace. D’autres, elle tape du pied, vous ne m’avez pas entendue. Je peux laisser ton mon corps exprimer toute mes frustrations, mon impuissance, mes limites bafouées par les autres ou moi-même. Parfois un cri m’échappe. Je ne sais pas toujours ce qui m’énerve et m’anime. Mais faire bouger et sortir tout ça, cela fait un bien fou. Savoir que cela ne va blesser personne c’est rassurant. Appeler toutes les tensions et les frustrations, les sentir, leur donner une forme, statique ou répétitive. Les concentrer jusque’à les dissoudre pour me sentir plus libre et légère.
Transformer sa colère
Finalement, je peux transformer l’énergie de la colère: d’une force qui agit contre les autres (et moi) à un élan pour ce qui me tient vraiment à coeur, quelques soient les jugements des autres. On ne réalise la quantité d’énergie qu’il a fallu pour la contenir que lorsqu’on a traversée et libérée notre colère. Dans la colère, je peux sentir ma détermination et ma force personnelle.
Il y a quelques années, je me sentais attirée par la méditation mais je n’osais pas y aller. Je ne connaissais personne, je ne savais pas où aller. J’avais très envie d’en savoir plus mais je ne savais pas comment m’y prendre pour démarrer. Un homme est entré dans ma vie et il m’a proposé de m’initier. La relation n’a pas duré: il m’a largué. Dans ma colère, revenait ce truc « Tu devais m’apprendre la méditation comment je vais faire maintenant? »
Utiliser sa colère
Je ne sais pas vraiment comment ni pourquoi mais un jour cela s’est transformé en « puisque tu ne veux pas le faire avec moi, je vais le faire toute seule ». La colère était toujours là mais au lieu de me lamenter sur mon sort. Elle me servait d’appui.
Enfin, j’avais compris que je n’avais pas besoin de lui pour découvrir la méditation. Ma colère m’a donné la détermination pour dépasser ma peur de l’inconnu. Me retrouver dans un groupe que je ne connaissais pas à faire une activité que je ne connaissais pas. Ne pas attendre d’être accompagnée et introduite, cela a été le début de beaucoup de découvertes qui m’ont menées jusqu’à la danse libre.
Suivre mon intuition et ma curiosité, plus vraiment contre qui que ce soit mais vraiment pour moi. Aujourd’hui, je peux le remercier de m’avoir appris cela (totalement à son insu ;-)).
Conclusion
Ma colère a été contenue au point de ne plus la sentir. Ce faisant toute mon énergie était neutralisée pour la garder. La danse m’a fourni un espace où j’ai osé commencer à l’exprimer. Cette expression a été le début de son acceptation. Faire de la place à ma colère, pour qu’elle devienne une énergie qui construise et non qui détruise. Pour qu’elle me permette de placer des limites claires et acceptables qui me rassurent. Pour sentir ma force sans la craindre.
Et vous à quoi ressemble votre colère crispée, figée ou explosive? L’avez-vous déjà dansée? Qu’est-ce que cela vous a apporté?
Danser sa colère: La Vidéo
Danser avec ses angles
C’est une proposition de mon enseignante Susannah Darling Khan, co-créatrice de l’Ecole de Movement Medicine.
Quand je le prononce en anglais, angles /’æŋgəlz/, je sens que la danse des angles me rapproche de mon anger /’æŋgə/ , ma colère.
Ma colère a été contenue au point de ne plus la sentir. Ce faisant toute mon énergie était neutralisée pour la garder. L’exprimer dans la danse, c’est commencer à l’accepter et lui faire de la place.
Ainsi elle devienne une énergie qui construit et non qui détruit. Elle me permette de placer des limites claires et acceptables et rassurantes.
Je peux enfin sentir ma force sans la craindre.
Et vous à quoi ressemble votre colère?
Improvisation Musique Live et danse (dans mon salon).
Au piano: Stef Vink
Suivre Stef les évènements live online de Stef sur https://www.facebook.com/stefvinkmusic
Pour la danse : Solange Brelot (C’est moi)
Filmé le 16 Juillet 2021
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